4ème Hôtel de Ville du Locle

L’Hôtel de Ville du Locle est sans nul doute l’un des plus beaux édifices de Suisse. Oeuvre d’art total, il voulait marquer les esprits et le poids de la Mère commune des Montagnes en conflit « régulier » avec l’État de Neuchâtel.

À la suite d’un concours d’architecture, auquel participa Le Corbusier (1887-1965), le projet du Veveysan Charles Gunthert (1878-1918) est retenu. Débuté en 1913, l’imposant bâtiment est terminé en 1917, avant d’être remis aux autorités l’année suivante.

En remettant la salle du Conseil général à son homologue du législatif, le Président du Conseil communal tint ces paroles : « que cette salle, dont tous les détails parlent d’art, de bon goût, de travail bien fini, inspire nos pensées et nos actes futurs : que toujours dans cette enceinte nous envisagions avec objectivité les questions que nous aurons à résoudre, que toujours nous recherchions leur solution dans un esprit de paix, de concorde, d’abnégation et de dévouement à notre chère localité »[1].

Construit sur 1244 pilotis de 9 à 10 mètres de longueur, le bâtiment se veut une oeuvre d’art totale, avec ses piliers antiques, ses fresques, ses boiseries en chêne et ses ferronneries (notamment en forme de chimère le long des escaliers).

Différentes pièces ont été conservées en l’état :

Salle du Conseil général : située au deuxième étage, cette pièce accueille le pouvoir législatif. Le parlement de la Ville siège généralement une fois par mois pour traiter de différentes affaires ou projets. Le siège majestueux est celui du président du Conseil général, accompagné à sa gauche et à sa droite de différents élus, membres du bureau. En dessous se trouvent les cinq membres du pouvoir exécutif, qui répondent de leurs actions auprès du parlement. Notons qu’en 1918 le nombre de Conseillers communaux était alors de sept (contre cinq aujourd’hui), comme le prouve le nombre de bureaux. Enfin, les sièges occupant la grande partie de la salle accueillent les membres du Conseil général. Le public s’assoit sur les côtés ou au fond de la pièce.

La salle du Conseil général impressionne les visiteurs par ses boiseries en chênes et son mobilier. Des armoiries se trouvent sur les modillons soutenant les solives. On peut y voir celles de la Ville, mais aussi en son centre, les armoiries de Valangin et de Neuchâtel.

Salle du Conseil communal : située au troisième étage, lieu du pouvoir exécutif, cette pièce se situe en dessous de celle du législatif (1er pouvoir). Intimiste, elle accueille les membres du Conseil communal, généralement le mercredi de chaque semaine. Lors de ces séances, siège également le chancelier de la Ville, garant du protocole et du respect des institutions.

Salle des mariages : située au rez-de-chaussée, cette pièce d’apparat bénéficie elle aussi de boiseries en chêne et d’un mobilier exceptionnel de style Louis XIII et Louis XV.

Depuis 2012, ces différentes salles sont ouvertes au public. Les visites du bâtiment peuvent être effectuées de manière autonome ou accompagnées d’un guide. Une documentation réalisée par la Ville du Locle est à disposition: Dépliant sur l’Hôtel de Ville du Locle

Fresques monumentales

En 1918, frappé par la grippe « espagnole », l’architecte Charles Gunthert meurt. Quelque temps avant son décès, il prend contact avec le peintre vaudois Ernest Bieler (1863-1948) pour la réalisation de fresques monumentales sur les frontons du bâtiment. 

« Les hommes ont divisé le cours du Soleil, déterminé les heures »

En 1922, ce dernier réalise, en est du bâtiment, une fresque sur la symbolique du Temps : « Les hommes ont divisé le cours du Soleil, déterminé les heures ». Des corps de métiers y sont représentés : les astrologues, les horlogers, les dentellières ;  les passions et les différentes étapes de la vie aussi. La Ville du Locle rejoint le cercle très fermé des Cités bénéficiant de fresques monumentales.

« La Paix »

En 1932, Ernest Bieler se consacre à la partie ouest du bâtiment avec une nouvelle œuvre monumentale, appelée « La Paix ». Une femme ailée y est représentée, portant dans sa main le rameau d’olivier. En raison de la crise horlogère (1929-1933), le financement est principalement assuré par la Fondation d’embellissement.

Les jardins et la déesse de l’eau

Le bâtiment de l’Hôtel de Ville bénéficie d’un cadre exceptionnel avec ses jardins en est.

En 1930, une statue est érigée dans les jardins de L’Hôtel de Ville: la déesse de l’eau. Œuvre du sculpteur André Huguenin Dumittan, celle-ci coûta 16’000 francs[2] et défraya la chronique en raison de sa grandeur[3]. La déesse est dorénavant plus qu’appréciée des habitants, valorisant l’ensemble des jardins. Pour la petite histoire, son regard est tourné en direction de la salle du Conseil communal. En effet, celle-ci surveille les autorités de la Ville.

L’esplanade de l’Hôtel de Ville

En 2009, afin de lier les jardins en ouest au bâtiment et de sortir les véhicules, un parvis est inauguré. Celui-ci est l’œuvre de l’architecte communal, Jean-Marie Cramatte. Il rappelle le plan orthogonal de la Ville. Outre la mise en zone piétonne, sa réalisation fut décriée par ses détracteurs pour son style « néo-marxiste ». En effet, la droite et les conservateurs s’attaquèrent régulièrement à la mise en place d’aménagements piétonniers (Temple, Place du marché, Place du 1er Août,…) dans la Mère commune, entravant selon eux le trafic individuel. Néanmoins, l’inauguration de l’esplanade regroupa de nombreux citoyens et citoyenne[4]. Sa réalisation valorise plus que jamais l’ensemble du bâti et fait le bonheur des jeunes mariés.

Les Hôtels de Ville antérieurs

Par le passé, Le Locle a connu sans doute trois autres Hôtel de Ville.

Troisième Hôtel de Ville : Au lendemain de l’incendie de 1833, les autorités s’attachent avant tout à reconstruire les habitations. Un nouveau plan est élaboré par l’inspecteur des Ponts et chaussées, M. Junod. En 1837, une commission est créée, afin de lancer l’élaboration d’un nouvel édifice. En 1841, le bâtiment (situé aujourd’hui à Grande-Rue 11) est inauguré. Il comprend notamment les tribunaux, la gendarmerie et des espaces pour le maire. Des surfaces vacantes au deuxième étage sont occupées quelque temps par le Centre royaliste. Ce bâtiment était le lieu de réception et d’accueil de la noblesse de passage. Le 27 septembre 1842, le roi et la reine de Prusse s’y rendent. Le 29 février 1848, les révolutionnaires prennent le bâtiment.

Le développement de l’administration moderne nécessitant des espaces plus importants, les autorités se lanceront au début du 20e siècle sur la réalisation d’un nouveau bâtiment bien plus imposant.

Deuxième Hôtel de Ville : À la suite de l’incendie de 1683, le Conseil de Commune décide la construction d’une nouvelle maison de Ville, à proximité du Temple. Terminé en 1688, ce bâtiment imposant pour l’époque comprenait différents corps de métiers, dont les abattoirs, une boucherie, des boutiques et l’école. La Maison de Ville ne résista pas à l’incendie du 24 avril 1833.

Premier Hôtel de Ville : La date de construction ne nous est pas connue. Toutefois, une maison de commune existait dans la première moitié du XVIe. Les seigneurs de Longueville y « donnent liberté « d’y tenir vendange de vin et logis public », restaurant et hôtel »[5].

Ces bâtiments furent des lieux fonctionnels et d’accueils, mais aussi le théâtre des grands événements, qui secouèrent l’histoire de la Mère commune.

Illustrations

Photo archive : Collection CDU.

Photos intérieures et extérieures : VILLE DU LOCLE, par réalisation NEOCOM.

Bibliographie et notes

AUTORITÉ DE LA VILLE DU LOCLE, Notice sur les fresques de l’Hôtel de Ville du Locle, Édition augmentée.

[1] BAILLOD, M. W., Les Hôtels de Ville du Locle, Lausanne, 1919, p. 81.

[2] L’IMPARTIAL, Le jardin de l’Hôtel de Ville : sa vasque et sa déesse, 30 juillet 1984.

[3] L’IMPARTIAL (rm), Statue du jardin de l’Hôtel de Ville, 25 octobre 1930.

[4] L’IMPARTIAL (rm), Statue du jardin de l’Hôtel de Ville, 25 octobre 1930.

[5] BAILLOD, M. W., Les Hôtels de Ville du Locle, Lausanne, 1919, p. 16.

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