Révolution neuchâteloise

Ici, dans la nuit du 28 au 29 février 1848 fut arboré le drapeau fédéral. Les patriotes loclois le défendirent et le maintinrent en place. Cet acte entraîna la proclamation immédiate de la République au Locle et fut le signal de la Révolution neuchâteloise“. [Plaque commémorative sur le bâtiment de la Fleur-de-Lis]

C’est bien au Crêt-Vaillant, devant l’Hôtel de La Fleur-de-Lis, que les révolutionnaires hissent le drapeau suisse et lancent la Révolution neuchâteloise. La République est proclamée; les révolutionnaires prennent l’Hôtel de Ville et montent à La Chaux-de-Fonds. Le 1er mars, les patriotes des Montagnes, du Val-de-Travers et du Val-de-Ruz descendent dans le chef-lieu. La principauté prussienne de Neuchâtel a vécu.

Préambule d’une révolution

Le 24 février 1848, après trois jours d’émeute, le “roi des français”, Louis-Philippe (1773-1850) abdique. L’information se propage rapidement. La plupart des habitants des Montagnes et notamment ceux de la Mère commune accueillent plus que favorablement la nouvelle.

Depuis plusieurs mois, les républicains neuchâtelois se préparent à l’insurrection. De leur côté, les autorités prussiennes ont armé leurs sympathisants. La gendarmerie et les factions royalistes sont aux aguets. Au Locle, la Fleur-de-Lis et l’Hôtel du Commerce regroupent les sympathisants et le comité proches des idées révolutionnaires.

Drapeau suisse à la lanterne

Le 28 février 1848, Frédéric Pécaut mange calmement à la Fleur-de-Lis avec deux de ses camarades. Ce combattant revient de la guerre du Sonderbund, qui opposa certains cantons catholiques et conservateurs à la Confédération suisse. Bien que canton suisse depuis 1814, la principauté prussienne de Neuchâtel reste neutre durant le conflit.

Frédéric Pécaut porte un brassard avec la croix-fédérale. Lorsqu’un gendarme lui demande de le retirer, Pécaut prévient : « jamais de la vie; je l’ai gagné ! ». Finalement, celui-ci est obligé de se soumettre. Toutefois, Pécaut n’en reste pas là. Le matin du 29 février, un drapeau suisse, confectionné par une habitante de la Fleur-de-Lis, Mlle Robert-Suchet, est hissé à l’une des lanternes adjacentes. Trois gendarmes interviennent. Une bagarre s’ensuit.

Informé de la nouvelle, le républicain Henri Grandjean s’en va trouver le colonel Favre-Bulle, en l’invitant à ne pas s’en prendre aux insurgés et, par là même, à sauver sa vie. Le colonel ordonne à ses hommes de déposer les armes.

Proclamation de la République

Les insurgés ne peuvent plus revenir en arrière… ils doivent désormais devenir maîtres des lieux stratégiques et tenir les positions. Surplombant le centre de la cité, le Temple et son clocher rythment la vie des habitants depuis plus de cinq siècles. Le comité révolutionnaire loclois fait prendre « la Tour » pour empêcher de faire sonner le tocsin et alerter ainsi les sympathisants royalistes.

L’imprimeur est sommé de se ranger du côté des insurgés. Une première proclamation est établie : “Habitants du Locle, une révolution pacifique vient de s’accomplir dans notre localité. Les pouvoirs civils et militaires viennent d’être remis entre nos mains. Nous les usons de suite pour vous recommander le calme et l’ordre, qu’au besoin nous saurons maintenir[1].

Dans les faits, les révolutionnaires ont pris l’Hôtel-de-Ville. Après plusieurs tractations, le comité royaliste abdique. La gendarmerie du régime prussien est neutralisée. La République est enfin proclamée aux cris de “Vive la République!”.

Expansion

Les Républicains loclois doivent désormais étendre la Révolution, mais également maintenir et consolider leur position vis-à-vis d’une contre-offensive des sympathisants royalistes, notamment de la Sagne. Des cavaliers sont envoyés au Brenets, à La Chaux-de-Fonds et au Val-de-Travers, qui se soulèvent. En effet, malgré la neige et la surveillance des comités royalistes, les événements du 29 février ont précipité le lancement de la Révolution sur l’ensemble du territoire de la principauté. Le 1er mars, les troupes militaires, sous le commandement de Fritz Courvoisier, se positionnent à La Chaux-de-Fonds. Rejoins par les Républicains des Valons, ils marchent sur Neuchâtel.

Le 1er mars, à 19h00, le Château est pris. Arrêté quelques heures plus tôt à Neuchâtel, le Conseil d’État royaliste, qui s’était refusé d’abdiquer, est arrêté et assigné à résidence au Château dans le “Salon rouge”. La victoire est totale. 

Gouvernement provisoire et Constituante de 1848

Les Loclois Henry Grandjean (1803-1879) et Auguste Leuba deviennent membres du gouvernement provisoire. Le 17 et 25 mars 1848, Henry Grandjean, David Perret (1815-1880), Auguste Lambelet (1819-1859), Frédéric-Auguste Zuberbuhler (1796-1866) et l’ouvrier Eugène Huguenin, qui jouera un rôle essentiel pour abattre la contre-révolution de 1856 au Locle, seront élus à la Constituante de la République et canton de Neuchâtel[2].

Les révolutionnaires savent qu’ils doivent se munir d’institutions crédibles, et ce le plus rapidement possible, afin de garantir la République.

Statue monumentale “La Liberté” d’Hubert Quéloz

En 1948, devant un parterre d’officiel, composé notamment du Conseiller fédéral, Max Petitpierre, du Général Guisan, du Président du Conseil d’État, de représentants des cantons et de l’ensemble des communes neuchâteloises, et de plusieurs centaines de citoyens et citoyennes, un monument de la République est inauguré dans le cadre des commémorations du centenaire de la Révolution neuchâteloise[3]

Fruit d’un jeune artiste chaux-de-fonnier, Hubert Quéloz (1919-1973), cette œuvre, d’une hauteur de près de cinq mètres, se compose d’un cheval au galop écrasant l’aigle prussien ; de l’héroïne qui représente l’enthousiasme révolutionnaire et du « bel enfant qui crie l’annonce des temps nouveaux »[4].

Dans les faits, selon l’historien Thierry Feuz, l’œuvre d’Hubert Quéloz, jeune « communiste » de l’après-guerre, bénéficie d’une portée universelle, en tant qu’« allégorie de toutes les révolutions, de la libération du joug au sens le plus large, applicable à toutes les époques »[5].

[1] JUNG, Fritz, Comment on fait une Révolution : Artisans loclois de la République de 1848, “Annales locloises”, Le Locle, 1948, p. 11.

[2] JUNG, p. 13-20.

[3] Dans les faits, l’inauguration se fit devant un artefact en plâtre. La véritable statue fut transportée de la carrière de Fenin par la Vue des Alpes en 1949.

[4] L’IMPARTIAL (NUSSBAUM, J.-M.), « Le Locle possédera bientôt son monument de la République », 22 juillet 1947.

[5] FEUZ, Thierry, tiré de « Mémoire de la révolution neuchâteloise de 1848 ». In L’EXPRESS, 28 février 2006.

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