L’incendie et le plan Junod

Dans la nuit du 23 au 24 avril 1833, un incendie ravage la Ville du Locle. Bilan : 47 maisons détruites, 117 ménages touchés, plus de 500 sans abris. Un élan de solidarité permet alors d’accueillir la population touchée. Des collectes dans toute la Suisse, mais aussi d’expatriés à Bruxelles ou à Paris, sont réalisées pour aider les sinistrés. 

Le Conseil d’Etat mandate Charles-Henri Junod (1795-1843), inspecteur des Ponts-et-Chaussées, et Louis-Favre (1784-1860), président de la commission des bâtiments de la Ville de Neuchâtel, d’établir un rapport sur la reconstruction du centre. Un nouveau plan de quartier est alors réalisé et sanctionné par le gouvernement le 3 juin 1833. Rationnel, orthogonal, égalitaire, un plan en damier est privilégié.

Il est à noter également que, durant cette période, le roi de Prusse, Frédéric Guillaume II édicte une loi sur les constructions. Celle-ci préconise notamment la réalisation des principes du Sonnenbau [1]. L’embellissement des rues, à la fois perpendiculaires et munies de places, l’ensoleillement des habitations et des jardins côtés Sud sont priorisés. A la fin des années 1850, le futur secteur du Quartier-Neuf verra ces principes appliquer.

Le Locle… record d’incendies !

Comme le rappelle Caroline Calame, le feu est un élément omniprésent dans la vie quotidienne. Ainsi, cuisine, éclairage, chauffage, lessive, repassage,… nécessite du feu. Les maisons sont à la fois des lieux de vie et des lieux de travail. Parallèlement, la charge thermique des bâtiments est conséquente : les constructions sont en bois, l’isolation en copeaux ou en foin. L’étroitesse des rues et la mitoyenneté des bâtisses viennent par ailleurs renforcer la propagation des incendies. Les moyens techniques pour les arrêter sont encore rudimentaires, même si ceux-ci se développent progressivement à partir du 16ème siècle avec notamment, au 17ème siècle, la création de tuyaux protégeant les pompes [2].  

Durant son histoire, la municipalité du Locle a été frappée par de nombreux incendies. Au 19ème siècle, Le Locle détient d’ailleurs le record cantonal de ce type de sinistres, avec plus d’une septantaine ! Ceux-ci recoupent soit des bâtiments isolés, soit des pans entiers de quartiers. Si certains n’occasionnent que des dommages matériels, d’autres sont nettement plus mortels. Ainsi, en 1834, l’incendie du “bas du Crêt-Vaillant” fera dès le premier jours plus de 29 victimes, dont 5 morts. Le bilan s’alourdit par la suite. Des chirurgiens de La Chaux-de-Fonds se rendent sur place. Des blessés sont emmenés à Neuchâtel, à Pourtalès [3].

Parmi les incendies les plus importants – au niveau patrimonial -, nous pouvons citer ceux de :

1683 : deux maisons et le presbytères;

1765 : huit bâtiments dans le “Bas-du-Village”;

1833 : dit de “l’auberge de la Couronne” [actuel Daniel-Jeanrichard 17] avec 47 maisons détruites, dont en partie le troisième Hôtel de Ville.

1844 : dit de la “Fleur-de-Lys” (les flammes débutèrent en effet à cette enseigne).

1855 : dit du “Bas-du-Village”.

Au début du 20ème siècle, malgré les mesures prises, la série continue. Entre 1900 et 1909, Le Locle ne compte pas moins de 18 sinistres dus à la proie des flammes.

Le 19 juin 1915, sur les hauteurs sud de la Ville, le nouveau collège de Beau-Site connait lui aussi un incendie en pleine journée ! 1500 élèves sont évacués en moins de trois minutes, évitant par là même un drame considérable [4]. 

Quelques jours plus tard, un témoin raconte que “cinq maisons ont brûlé dans les environs [du collège], à la même heure” (5). Il s’agit sans doute d’une boulangerie à la rue du Marais (6).

Les incendies du XIXème siècle (1833, 1844, 1855) auront néanmoins des répercussions considérables sur le développement urbanistique de la Mère commune, qui sera inscrit en 2009 au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Illustration

GIRARDET, Abram-Louis (1772-1821), Chaux-de-Fonds incendiée, 1974, conservé au Musée d’art et d’histoire, Neuchâtel

Bibliographie

CALAME, Caroline, Feu et flammes dans nos villages, Nouvelle revue neuchâteloise, Eté 2014.

JEANNERET, Jean-Daniel (dir.), La Chaux-de-Fonds / Le Locle, urbanisme horloger, G d’Encre, Le Locle, 2009.

Notes

[1] JEANNERET, p. 89.

[2] CALAME, pp. 5-12.

[3] VILLE DU LOCLE, Mouvement à l’Hospice du Locle, relatif aux victimes de l’incendie du 1er août 1834, archives communales. DUPRAZ, Cédric, « Le Locle : état d’urgence ». In BARTOLINI, Lionel, DELÉDERRAY-OGUEY, OGUEY, Grégoire (dir.), Chanter l’histoire en réveillant les sources, Mélanges d’histoire(s) offert au professeur Morerod, Alphil, 2023.

[4] L’EXPRESS, Aux Montagnes, 21 juin 1915.

[5] Carte postale (CDU), juillet 1915.

[6] L’EXPRESS, Canton, 13 juillet 1915.

-> Frise chronologique