Révolution française: sympathie et prise de conscience

En 1789, le peuple français se soulève. La Révolution est lancée. En quelques années, la Monarchie est abolie; la République proclamée (1792); la Convention est érigée; le roi exécuté (1793). Dans la principauté de Neuchâtel, les idées de la Révolution française trouvent un écho favorable, surtout dans les Montagnes. Les Montagnons, notamment Les loclois et chaux-de-fonniers, s’organisent.

Manifestations et confrontations

En décembre 1792, un millier d’habitants de La Mère commune et de La Chaux-de-Fonds se rendent à Morteau pour participer à “la fête del’enterrement de la royauté” [1]. Le club révolutionnaire de Morteau influence ainsi nombre de citoyens du Locle et de La Chaux-de-Fonds. Des arbres de la liberté sont plantés; la carmagnole est chantée.

En janvier 1793, acquis aux idées révolutionnaires, des “sociétés patriotiques” sont créées au Locle. Les “bonnets rouges” se frottent régulièrement aux loyalistes, portant la cocarde orange, en hommage aux rois de Prusse. Les bourgeoisies défendent leurs possessions et l’ordre établi; les pasteurs appellent au calme.

Le Conseil d’Etat doit intervenir, les autorités locales ne parvenant pas à canaliser l’agitation. A partir de 1793, une série d’interdiction est établie. Au Temple, une séance avec les communiers se finit dans un grand fracas [2], les Bourgeois souhaitant délibérer seuls de leurs affaires. Les sympathisants de la Révolution ne l’entendent pas ainsi [3]. Ces derniers revêtent un bonnet rouge, pourtant interdit. Les femmes refusent de s’en aller.

Face à cet esprit de révolte, une liste de suspects de 200 personnes est dressée. Le 25 mars 1793, le Conseil d’Etat “se prépare à envoyer les troupes pour rétablir l’ordre dans le haut du pays” [4]. L’intervention armée n’aura pas lieu. Néanmoins, des non-communiers, sympathisants des nouvelles idées, sont expulsés. Les sociétés patriotiques sont dissoutes.

Les frères Girardet

Le libraire Samuel Girardet (1730-1803) fut un vecteur essentiel de la circulation des idées progressistes et révolutionnaires dans les Montagnes neuchâteloises. A une époque où les librairies étaient plus que rares, celle de Girardet, située à l’est du Locle, comportait de nombreux ouvrages. Dans l’exposition “Passé, présent”, l’historienne Caroline Calame rappelle que plusieurs de ces ouvrages étaient interdits en France voisine (Diderot,…).

Les enfants de Samuel Girardet jouèrent également un rôle dans la transmission de l’information sur les grands événements qui marquèrent la fin du 18e siècle.

Si Boudry a vu la naissance de “l’ami du peuple” Jean-Paul Marat (1743-1793), la Mère commune a, toute proportion gardée, les frères Girardet. Né au Locle, Abraham Girardet (1764-1823) se rend à Paris pour parfaire ses compétences de graveurs. Girardet se tourne vers la gravure d’actualité et couvre, par des estampes et gravures, la Révolution française. Son frère, Alexandre Girardet (1767-1836) le rejoint. Les frères Girardet retournent, en 1792, dans la principauté de Neuchâtel. Alexandre couvre notamment les événements liés à la sympathie des Montagnons pour la Révolution.

Première répétition

La fermeté du Conseil d’Etat aura raison de la cohésion des sociétés patriotiques. Si une frange des sympathisants sont assurément proches du mouvement jacobin, une autre est en réalité bien moins politisée ou motivée par des raisons plus économiques qu’idéologiques. Reste que cette prise de conscience prépare néanmoins, comme le relève le professeur Philippe Henry, la révolution avortée de 1831 et, bien entendu, la révolution finale de 1848.

Illustration

GIRARDET, Alexandre (1767-1836), Jouissant de la liberté nous en avons arboré le simbole. Fête célébrée à la Chaux de Fonds,  1792. Tiré de SHAN, conservé au musée d’art et d’histoire de Neuchâtel (auteur des textes explicatifs : Raul Cop).

Bibliographie

CAHILL, Daniel, “Abraham Girardet (1764-1823), graveur suisse à Paris sous la Révolution française”. In Annales historiques de la Révolution française, n°289, 1992. Images et symboles. pp. 434-438.

FAESSLER, François, Histoire de la Ville du Locle : des origines à la fin du XIXème siècle, Edition de la Baconnière, Neuchâtel, 1960.

GIRARDIN-CESTONE, Lucie, “Girardet, Alexandre”. In Dictionnaire historique de la Suisse, 2005.

HENRY, Philippe, Histoire du canton de Neuchâtel, Tome 2, Alphil – Presse universitaire suisse, Neuchâtel. 2002.

Notes

1. HENRY, p. 78.

2. FAESSLER, p. 91.

3. HENRY, p. 110.

4. HENRY, p. 111.

 

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