Baruch Spinoza

Et si notre notion de Dieu, à la fois anthropomorphiste (= d’apparence humaine) et transcendantal, n’était qu’un leurre ? Et si Dieu n’était autre chose que la Nature ? Au-delà du monothéisme et du polythéisme, Spinoza nous offre un saut dans la modernité ! Adoptant une pensée panthéiste.

Baruch Spinoza (1632-1677) est issu d’une famille juive d’origine portugaise. Né à Amsterdam, ville relativement tolérante et ouverte aux nouvelles pensées, Spinoza devient polisseur de verres de lunettes et s’adonne à la philosophie. Il échappa à une tentative d’assassinat par un juif fanatique et bénéficia de la protection de Jean de Witt (1625-1672). Dirigeant les Provinces-Unis, ce dernier fut massacré par la foule après l’invasion du territoire par la France de Louis XIV. La situation de Spinoza est fragile, qualifiée d’athéisme par les ordres religieux. Il refuse néanmoins une chaire à Heidelberg. Atteint de tuberculose, il meurt dans une relative pauvreté la même année de la publication de l’Éthique

Avec Descartes (1596-1650) et Leibniz (1546-1716), Spinoza est l’une des grandes figures du rationaliste.

Spinoza nous parle du Dieu des philosophes. Cette substance infinie et indivisible constituée d’une infinité d’attributs. Dieu se confond avec la totalité de l’Univers : il est Deus sive natura (Dieu ou la nature).

Pour Spinoza, il existe trois sortes de réalités, à savoir : 

  • La substance : chose en soi, par soi et pour soi, elle est la réalité fondamentale, unique et infinie, qui se suffit à elle-même.
  • Les attributs : perçus par l’entendement, ils constituent l’essence de la substance, telle que la pensée ou l’étendue. Les attributs sont la manifestation des « plis » de la substance, à savoir son déploiement.
  • Les modes : affectation de la substance, le mode est « en autre chose ». Il est entièrement dépendant d’autre chose.

Ainsi, le cheval est la substance (du moins une partie de celle-ci), constituée d’attributs tels que le corps et de modes, tels que le galop ou le trot.

Parce que la substance est une (monisme), Spinoza se différencie du dualisme de Descartes. L’âme est un mode de la pensée et le corps un mode de l’étendue, mais la substance est ontologiquement une[1].

Déterminisme et liberté

Pour Spinoza, l’homme est soumis à la nécessité des choses, à cette chaîne de causes et d’effets. Il est le tenant d’un strict déterminisme.

Dès lors, comment sauver la liberté dans un monde nécessaire ? La liberté réside dans la conscience de la nécessité du monde et dans la connaissance des causes qui nous et le déterminent. Ce que nous pensons être contingent ou possible n’est en réalité qu’une méconnaissance des causes ou des liens causaux. Tout n’est que nécessité. Notre liberté consiste donc à rechercher ces causes et à comprendre la nécessité du monde. L’Homme est ainsi libre, lorsqu’il vit en conformité à la raison.

L’Homme libre procède par le biais d’idées claires et distinctes à la formation de raisonnements.

Genres de connaissance

Spinoza distingue trois genres de « connaissances », à savoir :

  • L’opinion ou l’imagination : ce genre de « connaissance » s’appuie sur les « ouï-dire », sur les passions et les affects ou des expériences répétées. Cette connaissance empirique relève plus de la croyance que de la connaissance.
  • La raison: celle-ci permet d’appréhender et de comprendre les rapports entre les choses, aboutissant, par déduction, à des certitudes, c’est-à-dire à des idées claires et distinctes.
  • L’intuition: la connaissance intuitive résulte de l’habitude à recourir à la connaissance rationnelle. Elle permet surtout d’atteindre la connaissance de Dieu, en tant que la totalité de la nature. Elle lie les choses singulières avec la nature infinie. Par ce processus, l’Homme peut espérer atteindre la béatitude.

Pour Spinoza, la « servitude » est « l’impuissance de l’homme à gouverner et réduire les affections ». La liberté consiste donc à se libérer des affects et passions par la raison. Cette dernière permet d’obtenir des idées claires et distinctes, afin d’atteindre par l’intuition la totalité de l’Être et la béatitude.

Spinoza eut une influence considérable sur Hegel ou Nietzsche, mais également sur de nombreux philosophes contemporains.

Ouvrages principaux

Traité théologico-politique

Éthique

[1] Hersch, Jeanne, L’étonnement philosophique, 2011, p. 160.