Arrivée du Chemin de fer dans les Montagnes

Le 1er juillet 1857, la population et les autorités inaugurent le tronçon ferroviaire du Locle à La Chaux-de-Fonds. Cette date marque l’arrivée du chemin de fer dans les Montagnes neuchâteloises. Toutefois, la construction de la ligne Le Locle/La Chaux-de-Fonds, dont les premières réflexions débutent dans les années 1840, ne fut pas une mince affaire. Elle allait pourtant permettre le renforcement du développement des deux cités, notamment horlogères, et, par extension, celui des Montagnes. Le 22 août 1857, un système de télégraphe est installé, afin de faciliter son exploitation et sa sécurisation.

Le train et l’amélioration de l’accessibilité des Montagnes

Le 15 juillet 1860, la ligne Le Locle / La Chaux-de-Fonds / Neuchâtel est, à son tour, inaugurée.

Il s’agit d’une petite révolution pour accéder aux Montagnes neuchâteloises, comme le souligne le conteur et romancier Hans Christian Andersen (1805-1875). Celui-ci arrive dans la région deux semaines seulement après l’ouverture de la ligne, soit le 30 juillet 1860. Il écrit : “Je montai dans le Jura, pour arriver au Locle, le village horloger où, en 1833, j’ai achevé mon poème d’Agnès et le Triton. En ce temps-là, le voyage jusqu’au Locle était assez difficile, car il fallait aller en voiture plusieurs heures. Maintenant tout marche à la vapeur; on y monte en chemin de fer” [1].  En effet, long de 38 km, le tronçon Le Locle-Neuchâtel se parcourt en 1h40, au lieu des 3h30 nécessaires à la diligence postale (5h50 dans le sens Neuchâtel-Le Locle) [2]. Durant les premières années d’exploitation, la vitesse des trains avoisine les 25 km/h.

Andersen n’en est pas moins anxieux à l’idée d’utiliser les tunnels, nécessaires à la traversée des Montagnes : “Je pensai plusieurs fois : mieux vaut s’écraser dans l’abîme, sous le ciel clair du bon Dieu, que d’être enterré à l’intérieur des rochers” [3].

Une histoire tumultueuse

La constitution de cette ligne – et de son extension à Neuchâtel – est sujette à de nombreuses crispations au sein même des autorités cantonales, mais aussi sur l’ensemble du territoire. Créée en 1855, la Compagnie neuchâteloise du Chemin de fer par le Jura-Industriel, dont la municipalité du Locle est actionnaire, est en charge de sa réalisation et de son exploitation. Soutenue par différents collectivités et particuliers, la Compagnie bénéficie à partir de 1858 d’une aide fédérale d’un million de francs.

Durant sa courte existence, la Compagnie du Jura-Industriel a connu de nombreux déboires : elle laissa une ardoise monumentale aux collectivités publiques et sa faillite fut prononcée en 1861. Une nouvelle société, la “Nouvelle Compagnie du chemin de fer par le Jura Industriel” est constituée. Les revendications des ouvriers pour de meilleures conditions de travail se font par ailleurs de plus en plus virulente. Ceux-ci parviennent parfois à leur fin, obtenant par exemple la constitution d’une caisse de secours.

En 1863, le “Tir fédéral” à La Chaux-de-Fonds, drainant nombre d’intéressés et par conséquent de voyageurs, permet d’améliorer la ligne de manière significative, notamment en matière de sécurité (télégraphe).

La “Nouvelle Compagnie du chemin de fer” survivra jusqu’en 1875. Le peuple neuchâtelois s’opposera au rachat de cette dernière par l’Etat, qui passera alors en main bernoise (“Compagnie des chemins de fer du Jura-Bernois“).

Liaison du Locle à la France (Besançon)

Il est à noter qu’au milieu du 19ème siècle, les Montagnes perdent le trafic sur l’international par la France voisine. Les Verrières bénéficient ainsi de la jonction avec le pays voisin, en raison notamment des conflits d’intérêts que se livrent les sociétés françaises entre elles (la famille Rothschild faisant pression pour la variante par le Val-de-Travers).

En 1884, la mise en service, par la Compagnie des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM), de la ligne Le Locle – Besançon voit le jour. Une grande manifestation se tient le 10 août à Morteau et le lendemain au Locle.

Liaison Le Locle / Les Brenets

Le 1er septembre 1890, la ligne de chemin de fer entre Le Locle et les Brenets est inaugurée. La “Société du chemin de fer Régional des Brenets“, créée en 1888, exploite la ligne. La population brenassière fête avec allégresse cette nouvelle réalisation [4]. La locomotive “Le Père Frédéric” est encore conservé dans un local de verre à proximité de la gare.

Au bénéfice d’une concession fédérale accordée en 1853, la ligne Le Locle – Les Brenets devait initialement constituer un segment de la ligne Paris – Berne. Or, cette réalisation est abandonnée, le passage par le Col-des-Roches via Morteau étant privilégié.

A la suite d’un manque d’investissements récurrents, la ligne ferroviaire Le Locle – Les Brenets est, au début du 21ème siècle, de plus en plus menacée. Sous pression par l’Office fédéral des Transports, l’Etat propose alors sa suppression et la mise en place, à partir de 2025, de bus électriques, reliant, sans rupture de charges, la gare du Locle au bas des Brenets. 

Transfert au CFF et électrification de la ligne du Jura neuchâtelois

En 1913, la ligne du Jura neuchâtelois est transférée aux Chemins de fer fédéraux (CFF). Ceux-ci reprennent l’exploitation du réseau neuchâtelois et procède à l’électrification de la ligne. Cette électrification sera effective en 1931.

L’exploitation de la ligne histoire semble être relativement paisible durant ces 150 dernières années. Relevons tout de même qu’en 1962, le train La Chaux-de-Fonds/Le Locle déraille à hauteur du Raya. Le véhicule est projeté sur le côté du talus (et non pas heureusement du côté de la pente). Le chef de train et le mécanicien sont grièvement blessés. Les quatre-vingts passagers s’en sortent pour leur part plus ou moins indemnes.

En 2016, la Société Berne-Lötschberg-Simplon (BLS) intègre également ce dernier sur le tronçon de La Chaux-de-Fonds à Neuchâtel.

Le train : symbole de la “modernité”

En conclusion, l’arrivée du train symbolise une certaine modernité. Elle permet en tout cas de désengorger un tant soit peu les Montagnes neuchâteloises. Le train, et de manière plus large la mobilité, favorise les échanges entre les individus, les idées, les capitaux et marchandises. La mobilité restera un enjeu majeur des rapports, parfois conflictuels, entre les Montagnes et le Littoral neuchâtelois.

En 2012, le projet TransRun, permettant de relier La Chaux-de-Fonds à Neuchâtel en 14 minutes, est refusé, pour moins de 400 voix, par la population neuchâteloise. Il s’ensuit une nouvelle crispation entre le Haut et le Bas du canton, accentué par la tentative de concentration hospitalière sur le Littoral.

A la suite de pressions, notamment d’une initiative populaire, une nouvelle votation populaire, “Neuchâtel Mobilité 2030” proposée par les autorités cantonales est acceptée par le peuple en 2016. Celle-ci fait porter la presque totalité de l’investissement sur le Fonds fédéral du programme de développement stratégique de l’infrastructure ferroviaire (PRODES). Les Chambres acceptent d’entrées en matière. Une amélioration de ligne par une liaison directe entre Neuchâtel et Chaux-de-Fonds à l’horizon 2030 est ainsi privilégiée.

Bibliographie

BOILLAT, Johann, Une ligne à travers les Montagnes. La première compagnie de chemin de fer du Locle à Neuchâtel : le Jura Industriel (1857-1865), Editions Alphil – Presses universitaires suisses, Neuchâtel, 2007.

PELET, Claude, Historique des transports : Région du Col-des-Roches, Morteau, 1987.

TERRIER, Philippe, Le pays de Neuchâtel vu par les écrivains de l’extérieur : du XVIIIe à l’aube du XXIe siècle, Attinger, Hauterive, 2017.

Notes

[1] TERRIER, p. 24.

[2] BOILLAT, p. 240.

[3] ANDERSEN, Hans Christian, Mémoires. Tiré de GUYOT, Charly, Visages du pays de Neuchâtel, Cahier de l’institut neuchâtelois, Editions de la Baconnière, Neuchâtel, 1973, p. 185.

[4] PELET, p. 39.

 

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