Franchise accordée aux habitants du Locle

En 1372, Jean d’Aarberg II accorde aux habitants du Locle et de la Sagne ce que l’on appelle « la grande lettre de franchise »[1]. Par cette charte, les Loclois obtiennent alors différentes jouissances, dont notamment le droit de se marier, de s’établir, d’échanger leur domaine et de chasser (sous certaines conditions)[2].

Encourager l’essor démographique

Comme le rappellent les historiens Bujard, Morerod, Oguey et De Reynier, ces franchises encouragent « l’effort de défrichement et de peuplement ». En effet, il s’agit probablement « de tentatives pour recréer un essor démographique »[3], au lendemain des épidémies de pestes qui ont frappé l’Europe au 14e siècle. Entre 1349 et 1350, la peste ravagea semble-t-il un tiers de la population des Montagnes neuchâteloises[4]. D’ailleurs, les seigneurs de Valangin sont peu regardants lorsque des défrichages dépassent les concessions octroyées. La Seigneurie s’étend ainsi à l’ouest et au nord, s’appropriant même le territoire des Brenets alors rattachée à la Franche-Comté.  

Les Francs-habergeants

Les habitants aux bénéfices de ces nouveaux droits prennent le nom de Francs-Habergeants (libres d’hébergement). Après Le Locle et La Sagne, ces franchises s’étendent progressivement sur l’ensemble des Montagnes.

Des libertés et des communs

En 1382, Jean III « confirme et étend les libertés consenties par le passé »[5]. Des lieux sont communalisés, c’est-à-dire gérés et exploités par la communauté. Certaines appellations telles que la Joux Pélichet, « Le Communal », la Jaluza ou la Jambe Ducommun (« jambe » = branches et « comot » = commun) ont traversé les siècles[6]. Il est à noter que ces franchises furent régulièrement rappelées lorsque des parcelles seront privatisées.

La comtesse Mahault et Guillaume d’Aarberg parlaient déjà de la « ville » du Locle dans leurs différents actes (1393, 1409, 1416), même si la mention semble encore instable au gré des revendications et de l’humeur des seigneurs[7]

Au 15e siècle, certains habitants des Montagnes obtiennent également le statut de Bourgeois de Valangin.

Dîmes et redevances 

Les franchises octroient des droits, mais également de devoirs vis-à-vis de leur souverain. L’un de ces devoirs consiste au paiement de la dîme[8] et autres redevances. Celles-ci étaient versées en argent ou en nature (fromage, avoine, poule, agneau ou bétails divers). 

Les Loclois renforcent néanmoins et progressivement leur indépendance face au seigneur de Valangin (1412), puis aux comtes de Neuchâtel. Il est vrai que l’éloignement de ces contrées et la recherche constante d’argent poussent les seigneuries à octroyer de nouvelles concessions[9].

Population

Vers 1417, les Montagnes et en particulier sa seule paroisse, c’est-à-dire celle du Locle, comptent 50 feux (chefs de famille), représentant entre 250 et 300 personnes.

Progressivement, le développement du Locle, dont la localité historique bénéficie d’eau en abondance, permet à d’autres parties des Montagnes de voir le jour. La première mention de La Chaux-de-Fonds apparaît en 1523. Si la « Chaux » signifie le pâturage, le terme « Fonds » fait certainement référence à une source, à savoir la « Ronde ». Peu abondante, ne permettant pas l’émergence de source d’énergie conséquente, celle-ci assure néanmoins des conditions-cadres à l’arrivée d’habitants.

En 1531, Le Locle comprend 145 feux, soit environ 725 personnes. Ces feux se composent de 45 Bourgeois de Valangin et de 100 Francs-habergeants[10].

Pour les Montagnes, il faut dorénavant ajouter 425 personnes pour la Sagne, 155 pour les Brenets et 35 pour La Chaux-de-Fonds.

[1] JUNG, Fritz, Historique de la Joux Pélichet, Édition Annales locloises, Le Locle, 1949, p.4.

[2] FAESSLER, François, Histoire de la Ville du Locle : des origines à la fin du XIXe siècle, Édition de la Baconnière, Neuchâtel, 1960, p. 14.

[3] BUJARD, Jacques, MOREROD, Jean-Daniel, OGUEY, Grégoire, DE REYNIER, Christian, Histoire du canton de Neuchâtel : aux origines médiévales d’un territoire, Tome 1, Éditions Alphil – Presses universitaires suisses, 2014, p. 89.

[4] Idem, p. 119.

[5] JUNG, 1949, p. 4.

[6] JUNG, 1949, p. 6.

[7] JUNG, Fritz, La Mère commune des Montagnes dans ses rapports avec ceux du « Clos de la Franchise »… et d’ailleurs, Le Locle, 1946.

[8] La dîme est un impôt d’église, représentant 10% des récoltes.

[9] FAESSLER, p. 32.

[10] EGLOFF, Michel & Co, Histoire du Pays de Neuchâtel : de la Préhistoire au Moyen Âge, Tome 1, Éditions Gilles Attinger, Hauterive, 1989, p. 190-192.

Illustration

Charte de franchise de la ville de Neuchâtel, 1214 (AEHN).

Bibliographie

BUJARD, Jacques, MOREROD, Jean-Daniel, OGUEY, Grégoire, DE REYNIER, Christian, Histoire du canton de Neuchâtel : aux origines médiévales d’un territoire, Tome 1, Éditions Alphil – Presses universitaires suisses, 2014.

EGLOFF, Michel & Co, Histoire du Pays de Neuchâtel : de la Préhistoire au Moyen Age, Tome 1, Editions Gilles Attinger, Hauterive, 1989.

FAESSLER, François, Histoire de la Ville du Locle : des origines à la fin du XIXème siècle, Edition de la Baconnière, Neuchâtel, 1960.

JUNG, Fritz, Historique de la Joux Pélichet, Edition Annales locloises, Le Locle, 1949.

JUNG, Fritz, La Mère commune des Montagnes dans ses rapports avec ceux du « Clos de la Franchise »… et d’ailleurs, Le Locle, 1946.

 

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