La Réforme gagne!

Malgré plusieurs années de tensions entre catholiques et les tenants d’une réforme de l’Église, les habitants du Locle ne savent toujours pas à quel saint se vouer. En réalité, il n’y en aura aucun. Le 25 mars 1536, Étienne Besançenet, curé et chevalier du Saint-Sépulcre, préside sa dernière messe. « Grâce au triomphe de la nouvelle doctrine dans le reste du pays »[1], la Réforme s’impose dans la Mère commune.

De Wittemberg à Neuchâtel

Les disputes doctrinales ont été régulières au sein de l’Église. Toutefois, elles prennent une tout autre ampleur au début du 16e siècle. Ainsi, en 1517, le moine Martin Luther (1483-1546) publie, à Wittemberg, ses 95 thèses en réaction à la vente des indulgences. Ces dernières, autorisées par le pape Léon X, ont pour but de financer l’érection de la basilique Saint-Pierre, tout en facilitant l’expiation des fautes pour les croyants. Refusant de se rétracter, Luther est excommunié et mis au ban de l’Empire.

Malgré la marginalisation du moine de Wittemberg, la Réforme se répand comme une traînée de poudre qui enflamme l’Europe centrale.

Selon l’historien Philippe Henry, la Réforme, notamment en Suisse, est un « phénomène « total » aux causes multiples »[2]. Ainsi, son avènement a des causes :

  • confessionnelles : la critique par rapport aux dogmes et certaines pratiques de l’Église catholique se développent. Le commerce des indulgences, l’existence des Saints ou du purgatoire sont remis en cause. Même si l’Église a régulièrement tenté d’y remédier, la faiblesse « morale » de certains prêtres, du bas comme du haut clergé est également condamnée.
  • politiques : l’État tente progressivement de s’affirmer sur la gestion et la gouvernance des territoires, fragilisant l’Église et sa place prépondérante dans la société.
  • culturelles : L’humanisme, qui prône un retour à l’Homme et à sa dignité, se renforce, conjointement à la Renaissance et son retour aux sources.
  • techniques : Au milieu du 15e siècle, l’invention de l’imprimerie en Europe permet d’améliorer la diffusion de connaissances et notamment de la Bible, de surcroît en langue profane.
  • socioéconomiques : La bourgeoisie aspire à jouer un rôle plus important dans la société, parallèlement aux mécontentements des classes défavorisées. En Suisse, au lendemain de la bataille de Marignan, le renoncement au mercenariat prôné par les centres urbains et les futurs réformateurs vont permettre d’étendre le processus de la Réforme.  

La Réforme se propage rapidement en Suisse, notamment dans les centres urbains. En 1523, le réformateur Zwingli (1484-531) l’instaure à Zurich. En 1528 et 1529, Bâle, Berne, Glaris, la République de Mulhouse l’adoptent.

Réticences à Valangin et dans les Montagnes

En 1529, soutenu par Berne, le prédicateur Guillaume Farel (1489-1565) arrive à Neuchâtel. L’année suivante, la Réforme s’impose à Neuchâtel. La Réforme s’établit de manière plus aisée sur le Littoral que dans la Seigneurie de Valangin.

En effet, la mort de Claude d’Aarberg-Valangin (1447-1519) fait passer la Seigneurie en main des comtes de Challant. D’origine piémontaise, ceux-ci ne sont pas enclins à la Réforme, qui a permis à Berne d’acquérir une partie de leurs terres savoyardes dans la région vaudoise. Néanmoins, les prédications de Farel contribuent à convaincre les habitants. Loin d’adhérer à ce nouveau courant religieux, la population des Montagnes y voit néanmoins un bon moyen de contredire leurs Seigneurs et par là même de les fragiliser.  

Réformation de l’ensemble de la Seigneurie et du Locle

En 1536, malgré des tensions palpables et récurrentes, l’ensemble du territoire seigneurial adopte le culte des réformés. Au Locle, première paroisse des Montagnes, le Maire Guillaume Brandt est tenu d’expliquer son attachement au catholicisme à Berne. Il est désavoué.; le curé Étienne Besançenet tient une dernière messe et part s’établir à Morteau. Il y meurt trois années plus tard.

Ceux qui restent attachés au catholicisme se rendent à la messe à Morteau. Rapidement, des mesures coercitives sont prises. Les Loclois et Brenoissiers qui s’y rendant sont condamnés à des peines pécuniaires.

Consolidation des délimitations territoriales

Les paroisses des Montagnes n’étaient jusqu’au 17e siècle pas clairement définies. En 1685, les pasteurs constatent, avec dépit, qu’ils ne pouvaient pas « bien connaître leurs paroissiens pour en avoir soins »[3]. Dans les faits, et comme le rappelle Jung, il s’agissait surtout de s’assurer de la perception de la dîme, notamment pour ceux qui étaient aux limites d’un territoire.  

Au Locle et dans la Seigneurie, un climat d’austérité s’installe. La « Vénérable Classe des Pasteurs », qui perdurera jusqu’à la Révolution de 1848, impose un rigorisme moral et un contrôle des mœurs. Ces représentants occupent des postes importants, dans la plupart des institutions. Les obligations (prestations en nature ou en espèce des fidèles) envers les nouveaux prêcheurs sont maintenues. Le progrès semble néanmoins émerger avec l’ouverture d’écoles.

Les catholiques devront attendre 1861 pour voir la constitution d’une modeste chapelle en Ville du Locle. En 1952, l’église est agrandie et une tour de 30 mètres de haut est érigée[4]. Le clocher bénéficie de cinq cloches.

[1] FAESSLER, François, Histoire de la Ville du Locle : des origines à la fin du XIXe siècle, Édition de la Baconnière, Neuchâtel, 1960, p. 38.

[2] HENRY, Philippe, Histoire du canton de Neuchâtel : le temps de la monarchie. Politique, religion et société de la réforme à la révolution de 1848, Tome 2, Éditions Alphil – Presse universitaire suisse, Neuchâtel, 2011, p. 19.

[3] JUNG, Fritz, La Mère commune des Montagnes dans ses rapports avec ceux du « Clos de la Franchise »… et d’ailleurs, Le Locle, 1946.

[4] CALAME, Caroline & MEYER, Catherine, Passé Présent : Le Locle à tous les temps, Éditions G d’Encre, Le Locle, 2017.

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