Le clocher du “Vieux Moutier”

Le Locle et ses habitants continuent leur développement, acquérant progressivement franchises et autonomies. Ils font périodiquement les frais de revendications de puissances diverses dans des délimitations territoriales encore mal définies. Pourtant, la localité s’urbanise. Le bourg prend de l’ampleur. On érige des bâtiments, le plus souvent en bois, parfois en pierre. La vie des communiers est néanmoins rythmée par l’église paroissiale, lieu de culte, mais aussi de rassemblement et de sociabilité. On entreprend de renforcer la chapelle existante, en mutualisant les capitaux, symbole d’un projet commun et universel.

Figure emblématique de la Ville du Locle et constituant l’un des plus vieux bâtiments de l’Arc jurassien, le Temple rythme la vie des habitants du Locle depuis plus de cinq siècles.

La première chapelle

C’est en 1351 que Jean D’Aarberg, seigneur de Valangin, érige Le Locle en paroisse et en communauté. Pour matérialiser ses premières libertés, une chapelle dédiée à Sainte Marie-Madeleine est bâtie sur un rocher assurant la stabilité de l’édifice. En ces temps médiévaux, la chrétienté occidentale se trouve donc sous la direction spirituelle du pape, l’évêque de Rome. Remontant au 11e siècle, la théorie des « deux glaives » distingue le pouvoir spirituel de la papauté et du pouvoir séculaire et temporel du prince. Le premier se veut supérieur au second.

Au Locle, les membres de la communauté sont des sujets de ses souverains, les Seigneurs de Valangin, eux-mêmes vassaux de seigneuries supérieures. Reste que les paroissiens loclois sont avant tout membres de l’Église universelle, c’est-à-dire la Sainte Église catholique, apostolique et romaine. Ses ministres sont les évêques, dont le premier d’entre tous, le pape, qui peut s’entourer de cardinaux. Les curés officient quant à eux dans les paroisses, s’appuyant sur des diacres.    

Une nouvelle nef et le clocher

Au Locle, le temps est venu d’affirmer son envergure. Ainsi, en 1506, une nouvelle nef est construite. Le projet d’érection d’un clocher sur la nef est lancé par des paroissiens et le curé du Locle, Étienne Besancenet. D’une hauteur de 42 mètres, surmonté d’un coq d’orée, « annonciateur du jour après la nuit, du « bien » après le « mal », le clocher du Temple est inauguré en 1525.

Le bâtiment frappe les esprits. En 1791, l’écrivain allemand et ami de Goethe, Friedrich Leopold zu Stolberg-Stolberg précise que « l’église est un grand et noble bâtiment. Ses cloches connues comme étant les meilleures de Suisse, résonnent dans toute la vallée quand elles appellent au temple du Père de l’humanité une population libre, honnête et heureuse, en qui sont réunies la joie de la vie champêtre et une rare habileté technique »[1].

Le clocher régule ainsi la vie des habitants. En 1630, une première horloge y est toutefois installée. D’autres suivront. Il faudra attendre 1897 pour voir la première horloge à transmission électrique, puis, en 1957, celle monumentale que nous connaissons aujourd’hui.

Malgré la présence d’une horloge monumentale, les cloches continuent de sonner aux différentes heures de la journée. Ainsi, en 1897, quatre nouvelles cloches sont installées, portant le nom de « La Concorde » au centre, « Marie Madeleine » à l’est, « Guillemette de Vergy » au nord. En 1920, au lendemain de la Grande Guerre, une cloche, fruit de la fonte de deux canons, est inaugurée, répondant au nom de « La Paix ».

Malgré la Réforme, le Temple conservera le nom de « Vieux Moutier » (vieux monastère) pour les Loclois.

Sources :

COURVOISIER, Jean, Les monuments d’art et d’histoire du canton de Neuchâtel, Tome III, Éditions Birkäuser, Bâle, 1968.

FAVRE, Paul et Françoise, PEGUIRON, Simon, Le Temple du Locle, Feuillet d’exposition à l’occasion du 250e anniversaire du Temple du Locle, Le Locle, 2008.

JUNG, Fritz, « Notre Moutier 1351-1758 », in Annales locloises, Cahier XIV, Le Locle, 1958.

SERVICE DE L’URBANISME et BESTAZZONI, Fabio, Patrimoine, architectural, Le Temple, Ville du Locle, 2016.

[1] STOLBERG-STOLBERG, Friedrich Leopold zu, « Reise in Deutschland, des Schweiz, Italien und Sicilien », Berne, Lang, 1971, vol. I, p.152. In TERRIER, Philippe, Le pays de Neuchâtel vu par les écrivains de l’extérieur : du XVIIIe à l’aube du XXIe siècle, Attinger, Hauterive, 2017, p. 358.

-> Frise chronologique