La Seconde Guerre mondiale et la “mob”

Le 2 septembre 1939, les cloches de la Mère commune se mettent à sonner : la mobilisation est décrétée.

Les habitants des Montagnes sont surpris, eux qui pouvaient lire quelques jours avant dans leur journal local que personne n’y songeait “en haut lieu“.

[en construction]

Mobilisation

Après l’annexion par l’Allemagne de l’Autriche (Anschluss) en 1938, puis en 1939 des Sudètes et de la Bohème-Moravie, c’est finalement celle de la Pologne qui engendre la Seconde Guerre mondiale. Le Royaume-Uni et la France entrent en guerre ; La Suisse reste neutre. La “drôle de guerre” débute, les Français et les Anglais ne bougent pas. Néanmoins, les Confédérés sont mobilisés, après les premiers appelés que sont les français habitant du Locle et qui doivent rejoindre leur pays. Le déchirement est perceptible dans les familles.

Le groupement d’ “aide aux soldats mobilisés” récolte des fonds pour subvenir aux besoins matériels des troupes, tels que des bottes ou des manteaux. Les cartes de rationnement sont délivrées aux ménagères, tout en appelant au calme. Des caisses de compensation sont mise en place pour les soldats mobilisés et une “censure” de la presse est instaurée.

En avril 1940, le général Henri Guisan (1874-1960), nommé à ce grade exceptionnel le 30 août 1939 en raison des risques de guerre, se rend au Locle. Il assiste à un défiler des troupes au Girardet avant de se rendre à l’Hôtel-des-Trois Rois. Il est reçu par une foule de plusieurs milliers de personnes et s’attire la sympathie des Loclois.

Le 9 avril 1940, l’Allemagne annexe des pays neutres : le Danemark et la Norvège, bénéficiant de ressources importantes en fer. Le 10 mai, la “drôle de guerre” prend fin. La Lufwaffe et la Wehmarcht entre en Belgique, au Pays-Bas et en France.

La France occupée : repli des soldats alliés sur Le Locle

La débâcle française débouche, le 22 juin 1940, sur l’armistice franco-allemande à Compiègne. Le 23 juin 1940, Le Locle accueille 1500 soldats français, dont une septantaine d’officiers (notamment le général Huet). Les officiers sont accueillis à la salle du Conseil général. Les jours qui suivent voient arriver des “Tommies” et 200 soldats français supplémentaires.

En juin 1940, l’hôpital du Locle accueille 37 malades et blessés, tant “civils que militaires français et polonais“. Certains blessés sont hospitalisés durant plus de sept mois [1]. Grièvement blessé, un soldat sera enterré au cimetière de Mont Repos. Les habitants sont par ailleurs intrigués par 22 soldats algériens, attirant la “curiosité” tant des petits que des plus grands. Les soldats sont ensuite envoyés dans le centre du pays.

Les allemands, dont un général, se présentent au Col-de-France. Ils invitent les soldats français à regagner leurs habitations. La plupart rentreront.

Répercussions économiques

L’économie tourne au ralentie. Même si la condition des chômeurs reste très problématique, une baisse du chômage est néanmoins constatée par la mobilisation. Les chantiers prennent du retard, telle que la rénovation de la Poste, du Casino-Théâtre et du Technicum.

Au niveau industriel, des entreprises locales, dont Zénith et Dixi, travaillent également pour l’armement de l’Axe, puis pour les Alliés. La plupart des sociétés industrielles et bancaires suisses – ces derniers étant au bénéfice du secret – suivront le même chemin de la collaboration, fournissant en biens et devises tant les armées allemandes que françaises, anglaises ou américaines. Le Temple transmet les informations.

Interdiction du parti communiste

Pour l’historien Jean-Marc Barrelet, le communisme, “vu comme une menace, paraît être dès 1936 la préoccupation majeure des Neuchâtelois” [2]. Historiquement, les ouvriers, le monde horloger et la plupart des habitants des Montagnes semblent réceptifs aux idées progressistes. En 1934, un Front antifasciste se créé dans les Montagnes. En 1936, des représentants du parti communiste sont élus au sein du législatif chaux-de-fonnier (5 sièges) et loclois (5 sièges), renforçant la gauche en main des deux villes depuis la fin de la Première Guerre mondiale.

Adhérant au parti communiste dans les années trente, le Loclois Charles Frütiger (1902-1992) est élu au Conseil général de la Mère commune. Il sera condamné à six mois de prison pour avoir organisé le passage à la frontière de volontaires pour l’Espagne. Touchée par la guerre civile, l’Espagne bénéficie en effet de nombreux partisans engagés dans les Brigades Internationales. Durant la Seconde guerre mondiale, Charles Frütiger sera également condamné pour activisme.

L’affaire “Bourquin” va néanmoins précipiter les événements. Un comité cantonal contre le communisme est créé. Celui-ci est présidé par, le docteur Eugène Bourquin, député libéral et chef local des jeunesses national. En janvier 1937, le docteur Bourquin invite l’ancien Conseiller fédéral, Jean-Marie Musy (1876-1952), anticommuniste et proche des milieux nationalistes allemands, à intervenir à La Chaux-de-Fonds. La confrontation avec le Front antifasciste est inévitable, ce d’autant plus que leurs membres se voient interdire l’entrée à la Conférence. Après celle-ci, une esclandre commence : Bourquin décède.

Dans les faits, le Dr Bourquin est mort d’une crise cardiaque, liée à une défaillance et “affection” antérieure [3]. Ces sympathisants évoquent immédiatement son assassinat [4]. La Feuille d’Avis de Neuchâtel et les journaux conservateurs alimentent – dans un premier temps – la thèse de assassinat et le complot communiste. Même si, au final, le décès du Dr Bourquin est “naturel” et la thèse de l’assassinat écartés, de nombreuses condamnations sont, en marge des manifestations, ordonnées.

Le 25 avril 1937, le Grand Conseil neuchâtelois interdit le parti communiste. Neuchâtel est le premier canton à légiférer dans ce sens. L’ensemble de la Suisse suivra et interdira le PC en 1939.

d’anciens militants et d’anciens socialistes ayant soutenu le pacte germano-soviétique créent le parti ouvrier et populaire à La Chaux-de-Fonds en 1944. Au niveau fédéral et avec l’avancé des troupes soviétiques, les mesures anticommunistes, en pratique, s’estompent.

Fin de la guerre

Après la contre-offensive et la victoire soviétique de Stalingrad en février 1943, la guerre prend un nouveau tournant. La marche sur Berlin est lancée. La défaite allemande semble de plus en plus prévisible, voire irrémédiable. En juin 1944, le débarquement des alliés en Normandie sonne le glas de l’armée allemande sur le front de l’ouest.

La victoire est accueillie comme un soulagement. Les habitants de la Mère commune se targue que Madame Jeanne Rosat-Sandoz, locloise, était la perceptrice du président défunt Franklin Roosevelt (1882-1945).

La Suisse épargnée par le conflit mondial amène son lot d’explications. Dans sa rubrique, le “Père Piquerez” dans l’Impartial se rit de certaines imageries populaires : “[on la doit] à Staline et son invincible armée soviétique” ou encore “Ah! si Mussolini ne s’était pas souvenu de ses bonnes années au Locle, à La Chaux-de-Fonds ou à Lausanne“. Il faudra attendre 2001 pour que le rapport de la commission Bergier clarifie la situation et les eaux troubles dans laquelle a baigné la Confédération.

En 1945, Le Locle inaugure l’arrivée du premier train venu de France. Après un arrêt au Col-des-Roches, une manifestation festive est organisée à l’Hôtel-de-Ville en présence du Consul de France, des présidents de commune et d’autres officielles. Des autorisations spéciales sont délivrées pour permettre à la délégation suisse de se rendre à Morteau. Les frontières s’ouvrent lentement, mais progressivement, notamment durant l’année 1945 pour des activités sportives.

En 1945, les 12 prisonniers de guerre que comptent le district sont progressivement de retours. M. Schild, français habitant du Locle, était détenu en Könisberg depuis 1940. Libéré par les Russes, il rentre par le Col-des-Roches. Des visites d’usines et de campagne sont organisés pour des déportés norvégiens ou russes, libéré du camps de Dachau.

Après la guerre, les soldats allemands retenus en France tentent parfois de passer en Suisse. Ainsi, en 1948, la police cantonale arrête quatre prisonniers allemands, qui venaient de franchir la frontière pour retourner chez eux. Ils sont conduits à la prison du Locle [4].

La Seconde guerre mondiale aura coûté la vie à plus de 60 millions de personnes. Située au Centre de l’Europe, la Suisse aura échappé au conflit, si l’on exempte certaines régions accidentellement ou non bombardées. Son rôle fut ambigu. Reste que Le Locle, situé aux frontières de la Suisse, aura été ébranlé par ce conflit entre l’Allemagne et la France (tout comme ce fut le cas en 1870 et 1914).

Illustration

Photo Keyston, illustrant des archives de la TSR, Discours à la troupe, 14 septembre 1939. Le général est sur la place de l’actuel collège Jehan-Droz.

Bibliographie

BARRELET, Jean-Marc, Histoire du canton de Neuchâtel : La création d’une république : De la Révolution de 1848 à nos jours, Editions Alphil-Presses universitaires suisses, Neuchâtel, 2011.

JUNG, Fritz, Centenaire de l’Hôpital du Locle : 1856 – 1955, Editions Annales locloises, 1957.

L’impartial, 1939-1945.

Notes

1. JUNG, p. 16.

2. BARRELET, p. 102.

3. L’Impartial, La mort du Dr Eugène Bourquin, 11 février 1937.

4. BARRELET, p. 103.

5. L’Impartial, 26 avril 1948.

 

-> Frise chronologique