Croissance démographique, économique et société de loisirs

La période dite des  “Trente Glorieuses” (1945 – 1975) est particulièrement faste pour la plupart des pays occidentaux. Débutant au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle se caractérise par une nouvelle répartition des richesses et un fort taux de croissance, tant sur le plan démographique qu’économique.

Le Locle, terre de migration

A l’instar de l’ensemble de la Société occidentale d’après-guerre, la Mère commune connaît un développement important. Entre 1950 et 1970, la Ville gagne 2’500 habitants (passant réciproquement de 12’000 à 14’500), issus principalement de la migration. Il est à noter que toute au long de son histoire, Le Locle, La Chaux-de-Fonds et plus généralement les Montagnes neuchâteloises ont été à maintes reprises une terre d’accueil. Nous pouvons penser aux premiers colons du 12ème et 13ème siècle, aux Huguenots (17ème), aux anarchistes et Allemands (19ème) ou aux Confédérés (Fribourgeois,…) émanant des cantons ruraux.

La période est marquée par une forte croissance de main d’œuvres étrangères. Dans les années soixante et cinquante, celle-ci se caractérise par la présence de travailleurs principalement masculins destinés à renforcer le secteur du bâtiment. Ils tombent sous le joug du statut peu enviable de saisonniers. Dans certaine région, le climat est néanmoins tendu et l’initiative “Schwarzenbarch” demandant notamment le réduction de 10% du nombre d’étrangers par canton ne fait rien pour arranger la situation. Finalement, en 1970, l’initiative est rejetée au niveau Suisse. La population locloise la refuse à plus de 74% [1]. A cette date, Le Locle comprend 14’860 habitants, dont 3’965 étrangers (permis C et B).

A partir des années septante, la migration italienne, puis espagnole, semble acquise. Ainsi, en 1972 et pour exemple, la Mère commune compte 2’500 Italiennes et Italiens avec un taux de natalité d’environ 60 bébés par année [2]. Les travailleuses et travailleurs, qui bénéficient de regroupement familiale, se tournent vers d’autres professions, notamment dans l’horlogerie et les services.

Cette forte démographie, favorisant une augmentation du PIB, nécessite néanmoins des investissements en matière de logements et d’infrastructures, notamment scolaires et sportives.

Logements

Face à la pénurie de logements, la Ville favorise, de manière directe ou indirecte, la réalisation d’appartements. Ainsi, en 1943, un fonds communal en faveur de la création de logement est adopté. De 1949 à 1969, ce ne sont pas moins de 1989 logements créés, dont 1624 avec une aide publique [3].

Quartiers du Raya et de la Joux-Pélichet

En 1945, les Fabriques des assortiments réunis (F.A.R) créent la Société “Mon Logis SA”. Celle-ci a pour but de permettre aux employés des FAR de pouvoir bénéficier de logements à bon marché. En Ville du Locle, “Mon logis SA” densifie le quartier du Raya et celui de la Joux-Pélichet.

Quartier des Jeanneret

Le quartier des Jeanneret connaît un très fort développement au lendemain de la deuxième Guerre mondiale. Débuté dans les années 1910, le quartier des Jeanneret avaient connu la construction de plusieurs bâtiments dans les années 20 [2]. Toutefois, à partir de 1948, celui-ci se développe de manière exponentielle en Ouest de la Ville avec des locatifs homogènes [4]. De plus, des tours s’élèvent au numéro 26 (1954) et 24 en (1957) de la rue. Des “dents creuses” sont aussi comblées à l’Est du quartier.

Immeuble de la Jambe-Ducommun (1965) et de Gerardmer (1970)

En 1963, le Conseil général de la Ville accepte un crédit de 3’620’000.- de francs (au bénéfice d’une aide de l’Etat de 90%) pour la réalisation de 110 logements à loyer modéré au Verger (Jambe-Ducommun). Un crédit complémentaire de 400’000.- sera, peu de temps après, validé. Le lotissement, composé de 4 blocs, est inaugurée en 1965.

En 1970, après une demande de crédit complémentaire, un HLM à Gerardmer 22-23-24-26-28 est inauguré.

Quartier des Primevères

En 1957, le quartier des Primevères (n° 1-3) s’ouvre avec la réalisation d’un immeuble communal. L’année suivante, la caisse de retraite de la Société Zénith SA réalise également un nouveau collectif (n° 5-7). Dans les années soixante, une nouvelle route est construite jusqu’à la rue des Fiottets permettant la réalisation de plusieurs bâtiments collectifs et d’une première villa terrasse.

L’essentiel du développement de ce quartier s’est faite avant la crise horlogère des années septante. Néanmoins, celui-ci a continué à se développer (à un rythme moins soutenu) [5].

Illustrations : Orthophotos de 1966 et de 1981 (source : Sitn.ne.ch)

Différents noms de rues sont décernés (1963 : Gérardmer et Primevères)

Tour à Georges-Perrenoud

En 1972, dans la continuité de la rue du Raya, la rue Georges-Perrenoud (nom donné à celle-ci en 1967 en l’honneur d’un des fondateurs des FAR [6]) voit l’ouverture d’un chantier de trois blocs indépendants et d’une tour [7]. En 1974, seule cette dernière sera finalisée, la crise horlogère du milieux des années septante ayant eu raison de la plupart des projets immobiliers.

Il faudra attendre 2016 pour y voir la concrétisation d’un projet immobilier. A la suite d’une modification du plan de quartier par les autorités de la Ville, la société immobilière Hypoimmo densifie la zone en créant 56 appartements [8].

Infrastructures

Patinoire (1959) / Piscine (1961)

Depuis le début du siècle, dans la continuité des considérations hygiénistes, la natation est encouragée, notamment sur un plan sportif. Les bassins et autres piscines se généralisent. Avec les “Trente Glorieuses”, une “société de loisir” se développe parallèlement à la croissance économique et au renforcement des acquis sociaux. Les équipements, tels que les piscines, paraissent alors de plus en plus indispensables au zone urbaine. La natation acquièrent un caractère aussi bien sportif que ludique, se pratiquant aussi bien dans un club, en milieu scolaire ou de manière individuelle.

En 1923, un bassin est aménagé à la Combe-Girard, alimenté par le bied du même nom.

En 1943, l’Association de développement du Locle constitue un fonds en faveur de la piscine. En 1956, le Conseil général refuse un premier projet de piscine. Un concours d’idée est lancé. Celui-ci est gagné par l’architecte Maurice Ditesheim. En 1958, le législatif accepte la réalisation d’une nouvelle installation au Communal. Le crédit se monte à 2 millions. En 1959, un référendum est lancé contre le projet, notamment en raison du coût et de sa localisation. Toutefois, par 1909 “oui” contre 1145 “non”, le peuple valide la réalisation. Les travaux de construction de la piscine et de la patinoire débutent la même année.

Le 14 novembre 1959, la patinoire est inaugurée. Au début du 20e siècle, la patinoire se trouvait sur les actuels parcs de l’Hôtel de Ville, puis à partir de 1913, au Col-des-Roches.

Le 16 juillet 1961, c’est au tour de la piscine. Le jour de l’ouverture, une foule d’enfants se précipitent dans la nouvelle enceinte.

En 2006, la patinoire bénéficie d’une enceinte semi-ouverte. La piscine voit l’arrivée, les jours de week-end et d’ensoleillement, de plus de 3’000 utilisateurs.

Collège des Jeanneret (1956), de la Jaluse (1968), des Girardets (1969), du Corbusier (1970) et de Jehan-Droz (1972)

Dans les années 60, la commune du Locle manque cruellement de locaux. Outre la bibliothèque, le musée d’histoire naturelle, ce ne sont pas moins de trente trois locaux qui manquent pour accueillir les élèves de l’école primaires, préprofessionnelles et secondaires. La nouvelle réforme scolaire nécessite par ailleurs désormais des salles destinées aux heures de physiques, de chimie, d’histoire, de géographie et de travaux manuels.

En raison de l’immigration, du développement économique, d’un taux de natalité (20 naissances pour mille habitants) supérieur à la moyenne, du nombre d’élèves en âge de scolarité (2’500), la Ville du Locle a besoin d’infrastructures. La croissance est si forte que l’on estime, à l’époque, qu’en 1985, ce chiffre montera à 2’900 élèves pour 18’000 habitants. Notons qu’en 1852, de nouveaux collèges avaient déjà fleuris dans la municipalité du Locle, à savoir celui des Monts, du Verger, des Calames et des Replattes. Seul celui des Monts avaient survécu en l’état. Celui du Verger est fermé en 1960, après le départ de l’institutrice et face à la pénurie d’enseignants. Les bâtiments des Calames et des Replattes ont bénéficié d’une nouvelle affectation.

Au niveau de l’école primaire et après la construction, en 1956, du groupe scolaire des Jeannerets (par l’architecte genevois, M. Gaillard), Le Locle se couvre de collège dans les années 60. Ainsi, ceux de La Jaluse (1968), des Girardets (1969) et du Corbusier (1970) voient le jour. Le collège de Beau-Site est rénové en 1972.

Pour les plus grands, la commission scolaire lance un concours remporté par le biennois, Benoit de Montmollin. le bâtiment de l’école secondaire, accueillant également l’école de commerce, est installé à la place du Technicum, endroit jugé particulièrement ensoleillé. En 1969, le Conseil général accepte le crédit d’environ 8 millions de francs. Plusieurs crédits complémentaires suivront.

En 1972, le bâtiment, après une vingtaine d’année de discussion, est inauguré. Classes, salles de science, de travaux manuels, préau, garage au sous-sol (qui accueillera durant plusieurs années le salon commercial loclois), la construction répond aux attentes d’une population tournée vers son avenir. En 1974, la commission scolaire attribue au collège le nom de Jehan-Droz en l’honneur d’un des défricheurs de la vallée du Locle.

Notons que le 21 septembre 1966, la Ville inaugure une clinique dentaire scolaire. Cette institution permet d’assurer des soins aux plus jeunes à des coûts moindres, le secteur étant libéralisé.

Station d’épuration (1971)

De nombreuses associations s’inquiètent de la situation du Doubs. En 1965, les premières études pour la réalisation d’une station d’épuration sont lancées. La partie Ouest de la Ville connaît un grand chantier avec la reprise du Bied et la réalisation d’une station d’épuration pour le traitement des eaux usées. Chaque monobloc est susceptible de supporter 10’000 habitants. On en prévoit deux. Un troisième sera construit une fois que Le Locle aura dépassé les 20’000 habitants. La STEP est inauguré en octobre 1971. Les autorités des districts du Locle et de la Chaux-de-Fonds, ainsi que le Conseil d’Etat, en la personne de Carlos Grosjean, sont présents. La station d’épuration du Locle est la troisième du canton, après celle de Neuchâtel et des Brenets.

Illustration

PERRET, Fernand, photographe O.E.V., La Chaux-de-Fonds.

Bibliographie

L’Impartial

Notes

1. L’IMPARTIAL, un NON massif des Neuchâtelois, 8 juin 1970.

2. L’IMPARTIAL (André Roux), Le visage nouveau de la communauté italienne, 2 novembre 1973.

3. L’IMPARTIAL, 14 janvier 1970.

4. Jeanneret 4 (1923), 10 (1922), 12 (1922), 14 (1922), 21 (1929), 23 (1924), 24, (1924), 31 & 33 (1920), 35 (1920).

5. Jeanneret 7 (1950), 17 (1948), 19 (1948), 24 (1957), 26 (1954), 36 bis (1950), 37, 39, 39a (1953), 40 (1969), 41 (1948), 43 (1948), 45, 47 (1951), 49, 51 (1951), 53, 55 (1952)59, 61 (1956), 63 (1958), 65 (1964).

6. Primevères 18 (1980), 20-22 (1988), 24 (1979), 30 (1975), 10b (2015), ainsi que l’apparition de villas en terrasse : Primevères 3 (1984), 6 (1985), 26 (1975).

7. L’EXPRESS (P.C), Cette rue porte son nom, 31 mars 1967.

8. L’IMPARTIAL (M.C.), Un ensemble architectural harmonieux verra prochainement le jour au Raya, 25 août 1972.

9. L’IMPARTIAL (Nussbaum, Robert), Premier bulding depuis longtemps, 29 juin 2016.